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3 parcours ont été sélectionnés par l'OEJAJ pour illustrer la thématique de la parenthèse biographique favorisant la réflexivité.
Le projet initial consistait à mener un atelier radio avec un groupe de jeunes « 18-25 ». Suite à toutes sortes de difficultés et après plusieurs tentatives infructueuses, le projet s'est réorienté vers un atelier d'écriture destiné à des jeunes séjournant dans un Service d'hébergement de l'aide à la jeunesse.
Nous nous trouvons dans ce cas de figure dans une logique plus « occupationnelle », avec les attentes y afférentes. Les jeunes ne sont pas dans un projet créatif ou réflexif existant, tout démarre à zéro et on est là pour s'amuser.
Par contre, les membres du groupe se connaissent, ce qui ne veut pas dire que les relations sont de tout repos. Comme le dira sobrement l'animateur dans son évaluation, ces jeunes disposent en effet d'un grand potentiel pour faire exploser un groupe.
Les défis pour l'équipe d'animation (un animateur titulaire et une stagiaire en formation à « l'animation-création ») sont donc nombreux : favoriser l'apprentissage de techniques expressives en partant de zéro ; intéresser le groupe à des problématiques dont certaines ne leur rappellent que trop des événements qui ont infléchi leur propre parcours d'une façon difficile ; faire « tenir » le groupe en tant que tel ; maintenir l'intérêt.
Le choix de l'atelier d'écriture n'est pas évident au départ, puisque les jeunes « ne sont pas trop là-dedans ». Certains ont d'ailleurs à affronter des difficultés avec la langue, même orale.
L'appropriation des récits ne se fera pas non plus sans mal, notamment en raison de difficultés d'appréhension des trajectoires, qui n'est apparue ni facile ni enthousiasmante.
Malgré ces difficultés, on peut être impressionné par la prise en compte des éléments du parcours que les jeunes réussissent (et qui se traduit par les mots-clés proposés).
Le projet d'animation compte dans un premier temps activer la fonction poétique du langage (jouer sur la matérialité des mots, trouver des relations lexicales surprenantes, travailler le rythme des phrases, etc.). Dans un second temps, il est envisagé de procéder à une déclamation du texte ainsi produit, en y ajoutant une musicalité appropriée.
De façon tout à fait appropriée, l'équipe d'animation a conçu un déroulement basé sur deux principes : la progressivité (du travail « poétique », de la musicalité) et l'alternance (de petits exercices dynamiques et variés viennent scander chaque étape du travail). Toutes les étapes prévues n'ont toutefois pas pu être réalisées, vu les difficultés parfois rencontrées (par exemple, fin du Jour 2, le premier exercice de déclamation a montré combien c'était difficile pour les jeunes, ce qui était un peu inattendu).
Voici un descriptif résumé des séances.
Il s'est agi de travailler à l'appropriation des récits. Elle sera décrite comme « chiante » par les jeunes, même si elle est relativement couronnée de succès comme indiqué. Il y a de nombreuses similitudes entre certaines étapes de certains récits et ce que vivent/ont vécu les jeunes ; cette proximité ne facilite pas d'office le travail (une jeune dira : « on n'apprend rien »).
La difficulté du travail suscite beaucoup de tensions. C'est finalement la théâtralisation des étapes d'un parcours (celui de Maxime) qui permettra au groupe de passer à travers les difficultés.
Le travail doit reprendre avec un peu d'appréhension dans le chef de tout le monde. Cette fois RTA est présent (nous avions décidé avec les animateurs d'une alternance absence/présence systématique pour permettre au groupe de se vivre, d'une part (absence de regard extérieur) et d'autre part pour fournir des échéances stimulantes pour le processus (présence du matériel d'enregistrement).
La caméra aide indubitablement au travail. L'accompagnateur de RTA est confronté au choix : attitude d'observateur ou participation active.
Il choisit intuitivement de participer aux exercices, ce qui se révélera utile pour soutenir l'implication des jeunes.
Un nouveau jeune s'est joint au groupe (« pour voir » ; il n'est pas sûr de rester, nous dit-il, ayant d'autres obligations ; il participera finalement jusqu'au bout).
La séance est consacrée à des exercices d'écriture, qui se passent bien ; il y a de bonnes productions.
L'ambiance est assez bonne. Un jeune fait un jeu de mots involontaire qui fait rire mais inspire :
au lieu de parler d'«éco-construction» (c'est la découverte professionnelle de Maxime), il parle d'«ego-construction»...
Après deux heures, nous sentons que l'énergie n'y est plus, l'attention se délite, les jeunes se chambrent. Pendant la pause, une dispute semble se produire, à tel point qu'il faudra tout arrêter pour que les animateurs gèrent le relationnel. Une des jeunes se verra d'ailleurs interdire de terminer le stage par l'équipe éducative du SAAE ; elle viendra nous saluer le 4ème jour, tout en se pliant à la sanction.
La séance est consacrée à des exercices de musicalité (prise de conscience du rythme, apprentissage basique) et à la production de textes, qui devront être déclamés le lendemain.
Les animateurs vont aussi loin qu'il est possible dans ces deux directions. Ils dactylographieront les textes produits pendant la soirée.
La caméra est de nouveau présente.
Cette fois, il va s'agir d'assurer une « représentation » qui sera filmée : il faut arriver à un produit.
Les techniciens ont fort à faire : les séances se déroulent en effet dans une salle de gymnastique, qui constitue un hors-champ disgracieux, qui risque de se révéler fort envahissant dans les images et de donner une connotation très « amateur » aux prestations.
Toutes sortes de techniques de prises de vue sont mobilisées pour pallier le problème (et elles seront relayées par d'autres techniques de montage, comme l'utilisation de trames).
Cet énorme travail ne sera probablement pas perçu par les spectateurs.
Les jeunes se prêtent très volontiers au travail de captation, qui commande l'exécution. Le groupe donne le meilleur de soi, même si le résultat est parfois encore balbutiant.
On retrouve ici la thématique que connaissent bien les centres d'expression et de créativité, par exemple : il faut accepter de combiner au mieux la logique de processus (de découverte et d'expérimentation) et la logique de produit (qui se centre sur le résultat).
Cette thématique se double ici d'une autre exigence de combinaison : la qualité formelle (du texte, de la déclamation rythmée) et le rapport au contenu (le produit doit rendre raison d'un parcours que le public ne connaîtra pas – sans parler du fait que le parcours doit lui-même illustrer des « mécanismes » d'infléchissement d'une trajectoire de vie...).
L'atelier se clôture par une évaluation collective.
Les jeunes apprécient d'avoir participé et sont contents du niveau atteint.
Une jeune fille s'exprime longuement la dernière. Elle relate des éléments de son vécu qui sont semblables au parcours retenu et partage son désir de devenir auteur-interprète. Elle nous lit deux textes qu'elle a écrits et nous demande notre avis. Nous lui donnons quelques conseils.
Bénéficiera-t-elle elle-même des supports qui lui permettront d'infléchir son parcours ?
Alex, l'animateur, avait envisagé un produit assez différent : il avait pensé à une « réponse » à Maxime, beaucoup plus musicalisée. Il a choisi (avec raison) de respecter les idées et le rythme du groupe, même si le produit peut paraître moins abouti.
Il a finalement été décidé de s'appuyer dans le montage final sur le jeu de mots structurant éco-construction/ego-construction, en tentant de le rendre aussi accessible au spectateur, qui n'a pas participé à l'élaboration.
La durée du processus global (début du travail/échéance finale) s'est révélée trop courte par rapport à la vie mouvementée que peuvent connaître certains groupes et la durée de l'atelier lui-même (quatre demi-journées qui se suivent) a paru très « juste » pour arriver à un résultat aussi abouti qu'espéré. L'animateur juge que la présence de la caméra a été un support non négligeable dans la dynamique. Il apprécie la liberté qui lui a été laissée par rapport à la réalisation ; sans elle, il estime qu'il n'aurait pas pu mener le projet à son terme.
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