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Les 5 parcours proposés aux jeunes venaient illustrer la thématique du substitut à la socialisation familiale.
Daniel est l'animateur-danseur d'un atelier de hip-hop et break dance organisé par l'AMO. Ces mouvements de danse ont une histoire, une symbolique qu'il semblait intéressant de mettre en lien avec les parcours de vie sélectionnés, par le biais d'une chorégraphie qui vient donner corps aux différents thèmes évoqués. Celle-ci sera filmée et montée par RTA en vue de la réalisation d'un clip vidéo.
Deux stages organisés par l'AMO ont été consacrés à la réalisation de ce projet, mobilisant 2 groupes différents :
Ces jeunes ont une pratique de danse en « free style » et en « battle », une forme de danse qui laisse la place à la liberté de s'exprimer mais aussi de s'affirmer, y compris via une sorte de lutte dansée et codifiée. Par cet angle choisi pour leur présenter le projet de clip vidéo, il devenait possible d'utiliser leur pratique de la danse d'une manière collective et différente, pour raconter quelque chose et pour donner du sens.
À la première lecture, les récits choisis paraissaient mettre en avant des difficultés de parcours, avec des termes fort négatifs qui ont d'ailleurs marqué les jeunes (racisme, exclusion, trafic, etc.), sans pour autant éclairer les leviers activés pour que l'évolution soit positive. L'équipe d'animation a éprouvé le besoin d'insister sur ces leviers dans la description qu'elle a adressée aux jeunes parce qu'elle estimait que c'était important de mettre en lumière ce qui influence positivement une trajectoire.
Daniel va proposer aux jeunes de s'approprier le travail pour en faire une occasion de s'exprimer, pour profiter d'une porte ouverte sur l'avis des jeunes. Ils tiennent dans cette expérience une occasion de faire quelque chose de différent qui sera entendu par un public tout aussi différent, un public de professionnel(le)s de la jeunesse et de chercheurs/euses qui pourraient avoir besoin d'eux pour mieux comprendre. Ces jeunes, peu motivé(e)s initialement par la réalisation d'un film, vont alors s'emparer du clip vidéo pour s'exprimer au moyen de la danse.
Le stage de Carnaval est entièrement consacré à ce projet. 8 jeunes (entre 12 et 15 ans) habitué(e)s du service - dont plusieurs danseurs de break - accueillent les premiers éléments des parcours. Ils se réunissent dans une Maison de jeunes, avec un grand local polyvalent qui comporte une large scène et des miroirs couvrant tout un mur. Les jeunes peuvent ainsi occuper ce grand espace, en s'observant minutieusement lorsqu'ils dansent.
Pour prendre connaissance des parcours, un premier exercice de lecture a lieu. 6 jeunes participent ce jour-là et forment un groupe autour de chacun des 3 (sur 5) parcours choisis. Devant la longueur des textes, les jeunes font la grimace. Pourtant, soutenus par les responsables de l'animation, ils s'intéressent aux parcours. « On rentre dedans » dit un ado.
Durant un deuxième exercice, la consigne est d'élaborer des représentations de ce qui est retenu pour pouvoir l'exposer aux autres.
La présence de RTA les intrigue sans les gêner. Ils se jouent de la caméra, s'intéressent aussi à l'aspect technique.
Le temps de midi se passe en jeux et en danse. Les jeunes profitent de la présence de Daniel.
Certains termes sont expliqués, certains événements aussi (le génocide au Rwanda, par exemple). Ils sont inscrits au feutre sur de grandes feuilles de papier :
Chacun(e) y ajoute une référence, une image, un trait qui l'a marqué : le racisme et Hitler, la difficulté dans certaines circonstances de rester un chouette gars, le rap et la notoriété qui ont risqué de foutre en l'air la vie d'André, Karim veut choisir une autre vie avec sa femme et son enfant.
Les jeunes partagent leurs visions et leurs connaissances.
Vers 15h, la fatigue se fait sentir. Ils réclament de danser. Daniel leur propose de représenter une histoire en dansant, avec une mise en scène de l'influence qui s'exerce les uns sur les autres. Le mouvement de danse passe de l'un(e) à l'autre à partir d'un bref touché du bras. Une progression doit se faire sentir, une montée en intensité. Les ados retrouvent leur énergie, l'enemble s'y met, même ceux qui ne dansent pas d'ordinaire. Un travail se fait sur l'image, les jeunes proposent de placer des danseurs/euses hors du champ de la caméra pour les faire entrer progressivement.
Les ados aspiraient véritablement à se défouler et à s'exprimer au travers de la danse, « parce que chez moi, on m'engueule si je fais ça », dira une jeune fille. Tous ont apporté des idées ou participé à la mise en scène, dans une sorte de conclusion de ce qui s'était échangé ce jour-là.
Le dernier jour du stage sera consacré à la création de grands panneaux qui serviront plus tard à une battle de break organisée entre les danseurs. Pour cela, maniant les pinceaux et la peinture, les jeunes ont tracé des phrases issues de leur cru, à partir de celles issues des récits présentés.
Le « stage d'expression » organisé par l'AMO pendant la seconde semaine des vacances de Pâques est entièrement consacré à la réalisation de la vidéo, 2 journées de tournage avec l'équipe de RTA étant programmées le jeudi et le vendredi.
Le groupe de jeunes s'était élargi jusqu'à en compter une petite trentaine. Deux jeunes plus âgés ont rejoint cette petite troupe pour aider dans les chorégraphies et dans les répétitions. Un squelette de scénario, pièce à casser, est proposé autour des 3 thèmes principaux récurrents dans les 3 parcours : parcours – influence – soutien. Les quelques jeunes qui ne dansent pas ont eu d'emblée la possibilité de travailler sur le scénario et sur les décors, de façon à ce que chacun trouve sa place.
Une journée entière est consacrée à l'échange d'idées à intégrer au scénario précédemment défini et à sa manière de les mettre en image. Via des jeux de mimes, d'improvisation et de représentation, les ados sont invité(e)s à déplier les notions de « parcours du combattant » et d'« accident de parcours », à concevoir la mise en scène par la danse des personnages avec leurs émotions, en même temps que l'intégration des danseurs et de danseuses au scénario prévu.
L'accent a été porté sur la parole et sur la représentation, sur la liberté de mouvement, la créativité et le dynamisme des jeunes. Comme le disait une ado : « Je ne suis pas à l'école ». Le scénario a été développé par les jeunes selon leurs préoccupations, parfois en s'éloignant un peu des sujets mis en évidence dans les récits. Par exemple, la solitude, très présente dans les parcours décrits, ne correspond pas à ce que les jeunes vivent dans leurs quartiers et dans l'AMO, où on se trouvent tout le temps en collectivité.
Aujourd'hui majeur, il met son expérience du break à contribution pour la réalisation du projet et co-anime les répétitions avec Daniel.
Un metteur en scène spécialement engagé sur ce projet apporte une touche de professionnalisme auxquels les ados sont particulièrement sensibles. Il découpe et séquence le scénario pour lui apporter davantage d'expression et de cohérence.
Les jeunes ont beaucoup répété et ont assuré 5 jours de répétition d'affilée alors qu'un professionnel en supporte 3 au maximum. À la fin de la semaine, tous et toutes étaient épuisé(e)s physiquement. L'élaboration d'une chorégraphie n'est jamais facile et donne souvent lieu à des tensions et des frictions qu'il a fallu gérer en plus de la fatigue. Heureusement, la finalité du projet venait nourrir leur motivation, encouragée par l'apport technique et professionnel. Le groupe se sentait pris au sérieux. |
Le dernier jour de la semaine, jour du tournage, la météo était mauvaise. Pour le tournage en extérieur, les responsables ont dû renoncer au lieu prévu, trop exposé à la pluie, mais en ont découvert un autre plus propice, à l'abri sous un pont. Après une journée éprouvante par la fatigue, le froid et la pluie, le tournage s'est vu interrompu par la police. Le lieu n'était pas sécure, trop proche du passage de trains, les jeunes allaient devoir renoncer à la dernière demi-heure qui comprenait la scène finale pour laquelle ils avaient tant répété.
Face à la contrainte de quitter les lieux, la démotivation s'est emparée de tout le groupe, jusqu'aux adultes, vu l'effort soutenu qui avait été accompli et qui ne pouvait aboutir comme ils l'avaient prévu. Cette mobilisation risquait de prendre fin sur une très mauvaise note, redoutée par l'équipe d'animation. Rassemblé(e)s sur un trottoir, proches du découragement, ils envisageaient quelques solutions lorsqu'un jeune a eu une idée...
Soulagement général.
Cette idée a sauvé le projet, tout en remontant le moral de l'ensemble du groupe et en donnant à chacun et chacune l'occasion de vivre un moment fort et constructif.
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